Depuis quelques jours la vie à l'académie lui semblait bien plus sympathique. Même si Meggie avait promis qu'elle ne s'échapperait plus donc qu'elle résisterait à ses désirs de liberté, tout allait pour le mieux. Aujourd'hui encore elle flânait dans les jardins, son MP3 passant l'une de ses musiques préférées. Revêtue de son uniforme d'été bleu foncé, elle attendait que son prochain cours commence. Soudainement une idée germa dans son crâne et elle partit d'un pas décidé.

Arrivée devant la porte du bureau de sa confidente, elle toqua et attendit. Quelques minutes plus tard la porte s'ouvrit et laissa place au visage exténué de Noelani. Meggie entra et s'installa sur le banc balançoire où elle avait dormi alors que la jeune femme l'avait recueilli dans son bureau après l'une de ses escapades. La dernière escapade.

- Les élèves d'arts sont éreintants ? Tu sembles exténuée ! , s'exclama-t-elle.

Balançant ses jambes dans le vide elle fixait la jeune femme qui était avachie sur son bureau, la tête posée sur ses bras. Meggie soupira. Elle était bien ici, dans cette petite pièce où elle pouvait vider son sac sans soucis. Elle pouvait dire ô combien c'était fatiguant de devoir réviser pour ses prochains concerts, ô combien sa famille lui manquait. Elle était en droit de parler de tout et de rien, du soleil et de la pluie, de ses relations et de ses amourettes. Et elle finissait toujours par sortir d'ici le coeur léger et la tête vidée. Cela se ressentait aussi dans sa façon de jouer. Etant donné qu'elle n'avait rien d'autre dans la tête que son morceau, elle jouait plus calmement qu'avant.

- Si tu es trop fatiguée je reviendrai plus tard.

Noelani lui assura qu'elle pouvait rester, avant de lui rappeler gentiment qu'il fallait qu'elle la vouvoie quand elles sont en dehors de cette pièce. Meggie gloussa quelque peu.

- Oui, je le sais déjà !

Elle sourit calmement avant de reprendre.

- Ça me désespère que tes élèves ne te respectent pas. C'est vrai tu as un fort caractère, mais tu n'hésites pas à aider n'importe qui. Mais bon pour remarquer cela il faut être un peu plus évolué qu'un pigeon sûrement.

La jeune fille ne put contenir son fou-rire et elle ria à gorge déployé pendant quelques minutes. Noelani, elle, sortit deux canettes d'eau aromatisée du placard, lui en tendant une qu'elle prit avec plaisir. La remerciant, elle l'ouvrit et en but une petit gorgée. C'était absolument divin surtout qu'elle commençait à avoir chaud dans son uniforme.

"Que me vaut l'honneur de ta présence ?

La jeune femme lui souria et elle lui souria en retour. Evidemment elle n'était pas venue pour rien. Elle ne se sentait plus toute légère comme avant et cela la pesait un peu. Surtout qu'elle n'avait pas le temps de penser à ses problèmes, son concert approché à grands pas. Entre toutes les répétitions qui s'enchaînaient elle devait en même préserver sa santé physique et morale.

"Quoi de neuf depuis un moi ma chère?

- Beaucoup de choses se sont passées si tu savais ! Déjà je crois que je ne vais plus pouvoir assister aux cours d'anglais. J'énerve un peu trop ma prof. Mais ce n'est tout de même pas de ma faute si elle ne sait pas parler correctement anglais ! Tu devrais la voir quand je la corrige poliment. Dieu, j'en rigole toujours ! Elle rigola de nouveau en repensant à la scène. Oh et puis je voulais encore te remercier pour Camille et moi. On est inséparable ! Sinon je voulais voir si tout allait bien de ton côté. Et euh...

Son sourire se fana, elle leva tristement les yeux vers le plafond.

- Et j'ai appris par ma sœur que mes parents ont divorcés et que ma mère s'est déjà remariée. Je ne sais plus trop quoi en penser. Pourtant, notre famille allait très bien... enfin c'est ce que je pensais. Depuis que je suis partie de la maison pour commencer ma 3ème année apparemment. Mais en ce moment je n'ai pas le temps d'y penser. Mon concert arrive dans quelques semaines et je ne suis pas encore au top de moi-même. J'sais vraiment pas quoi faire.

La nouvelle lui avait procuré la même réaction qu'elle. Bien que Meggie n'avait, à l'instant même où sa sœur lui avait annoncé, rien dans le gosier à rejeter. Mais c'était du pareil au même.

" Hum.... en effet c'est compliqué comme situation. J'imagine que tu doit mal le prendre. Tu en pense quoi toi?

- Je le prends pas mal c'est juste que... j'aurais aimé être au courant avant. Voir si je pouvais arranger les choses peut-être. Même si je sais qu'avec mes parents c'est peine perdue. Ils sont bien trop têtus pour qu'ils m'écoutent. J'sais pas quoi en penser. Enfin je me suis fait mon avis. Je pense à mes frères et sœurs qui subissent. Je suis l'ainée et je ne peux rien faire et ça, ça me dérange. J'ai aucune idée de ce qui se passe pour eux et ça m'inquiète.

Elle se replongea de nouveau dans la contemplation du plafond et elle trouva que peindre un ciel dégagé serait plutôt pas mal. Bon elle lui fera part de l'idée plus tard.

" Je tiens à te dire que je suis fière de toi. Tu n'a pas oublié ton problème et tu l'affronte... je suis fière, vraiment.... Dit moi, que connaît-tu de l'homme qu'elle à épousé? D'ailleurs ; tu le connais?"

Meggie sourit un tout petit peu. Savoir que quelqu'un était fière d'elle lui faisait du bien. Elle doit avouer qu'elle aurait préféré tout oublier, mais elle ne pouvait pas. Pourtant tout les autres problèmes dont elle ne voulait plus se souvenir, disparaissaient, mais celui là elle n'arrivait pas à l'écarter. Ses frères et sœurs avaient peut-être besoin d'elle, mais encore une fois, la musique passait avant tout. Elle s'en voulait des fois.

- Non je ne le connais ni d'Eve ni d'Adam. Et Kate, ma plus jeune sœur, ne m'a rien dit sur lui. J'espère qu'elle va bien... Je sais que je m'en fais souvent beaucoup trop pour elle, mais elle est si sensible. J'ai plus vraiment envie de rentrer à Londres désormais. Même si je devrais.

Peut-être qu'aux prochaines vacances elle aurait un peu de temps. Elle espérait de tout cœur en tout cas.

" Pour l'instant concentre toi sur tes examens, ne pense plus, et je ne dis pas oublie.... ne pense plus à ça et met le de côté dans t'a tête. Quand sont tes examens?"

- Il me semble dans deux petites semaines, ce qui me reste un peu de temps pour réviser.

Et il fallait vraiment qu'elle arrive à jouer sans se préoccuper d'autres choses. Meggie ne sentit pas que Noelani s'était approchée. Soudainement elle se retrouva dans les bras de celle-ci.

" Si tu veux pleurer fait le, ça ne sortira pas de ce bureau. Sinon tu devra transporter ton poids jusqu'à la fin"....

Se mordant la lèvre inférieure elle se retenait de pleurer. Craquée comme cela c'était avoué qu'elle n'était pas aussi forte qu'elle voulait le faire croire. Finalement, elle renifla plusieurs fois avant de fondre en larme contre Noelani.

- T-tu sais Noelani tu devrais peindre ton plafond. Comme le ciel d'aujourd'hui. Juste quelques nuages blancs. Et puis c'est tout. , avoua-t-elle entre deux sanglots.

"Ecoute, si tu veux je peux essayer de faire venir t'a petite sœur..."

Faire venir sa sœur ici ? Si seulement c'était possible ! Ce serait sûrement bien plus facile si Kate était venue avec elle dès sa première année. Mais c'était très certainement égoïste de sa part de penser ainsi. Ce n'est pas parce qu'elle avait réussi à tout quitter que sa sœur y arriverait aussi. Abandonner tout derrière sans regarder en arrière c'était ce qu'elle avait toujours fait. Oublier, simplement oublier et tourner la page. Kate était son contraire, elle préférait souffrir et se rappeler, qu'oublier.

- Non, elle n'a pas encore 15 ans. Je ne veux pas décider pour elle de quelle route elle empruntera. Je vais prendre contact plus souvent avec elle, voir comment elle va. Je ne veux pas lui demander de tout abandonner pour mes petits désirs d'égoïste. Et puis vous auriez sûrement des problèmes. Non c'est bien trop dangereux.

Elle sourit quelque peu, ses sanglots s'apaisant enfin. Elle resta tout de même dans les bras de Noelani alors que son cours commençait.

- Ah j'ai anglais. Quoique ma prof n'a pas envie de me voir. Tu as cours peut-être ?

Elle resterait là pour un petit moment, pour essayer de se calmer totalement. Et puis après elle s'épuiserait dans un entraînement de piano sans fin.

- D'ailleurs pour le plafond finalement, un ciel étoilé serait mieux. Kate et moi on le regardait tous les soirs avant de nous coucher. Ça a plus de signification qu'un ciel bleu.

Elle reprit une petite gorgée de sa boisson, la gorge noué. Si elle le pouvait elle finirait par ne jamais sortit de cette pièce. C'était tellement plus simple ici.

　

Après un petit bisou sur le front Noelani se releva pour ouvrir le petit balconnet, laissant passer les doux rayons du soleil de cette fin de matinée.

- Pour ma prof d'anglais je n'ai pas vraiment envie de la changer. Si seulement elle pouvait parler la langue qu'elle nous apprend sans faute, ce serait mieux, mais bon. On est pas tous nés à Londres.

Peu après quelques coups à la porte furent frappés. La jeune femme soupira d'agacement et ouvrit l'accès à l'un de ses élèves. Meggie ne pensait pas possible que les AC soient si impolis et insultants, mais apparemment elle avait là, devant ses yeux, le gars qui arrivait à dépasser un niveau d'idioties qu'elle n'aurait jamais cru. Elle demanderait un peu plus tard à son amie pianiste quelques renseignements sur un certain Niko.

Il sembla me remarquer puisqu'il me fit un petit signe de main, le sourire jusqu'aux oreilles. Noelani se précipita alors devant elle, comme pour essayer de la rendre transparente aux yeux de ce vautour. Déjà quelques minutes dans cette pièce et Meg se faisait déjà une idée de ce personnage. Un gosse de riche qui a toujours eu ce qu'il voulait sans bouger le petit doigt. Il aimait s'amuser avec les femmes qui s'aplatissaient devant lui. En conclusion, un petit con.

" Meg, ma chérie va sur le balcon, prend place comme tu veux, je règle ce petit problème et on reparle de ça, ok?"

Accompagnant ses dires, elle me poussa précipitamment vers son petit balconnet. Elle voulut protester, mais se ravisa quand elle s'aperçut que Noelani allait voir rouge dans pas longtemps.

S'en suivit de longues minutes à se renvoyer la balle, la jeune femme cherchant à tout prix à le faire sortir d'ici. Meggie entendait très bien ce qu'ils disaient et elle commença à s'impatienter. Après une dernière réplique de Niko qui lui parut insultante, elle quitta le rebord du balconnet pour se positionner, bras croisés, devant lui.

- Je veux pas interrompre votre discussion, mais tu sembles tellement pitoyable que je demandais comment tu faisais pour vivre sans une once de gêne. Tu sais le chantage sur une prof c'est mal vu du directeur de l'académie.

Il rigola à gorge déployé. Apparemment il ne comprenait pas encore très bien.

- Tu sais je crois que tu sais vraiment pas à qui tu t'adresses. La parole d'une élève brillante vaut bien plus que la tienne.

Ses deux orbes bleus devinrent glacials. Il commençait tout doucement à perdre un peu de sa fierté.

　

Bon, Meggie savait désormais qu'elle avait frapper là où il ne fallait pas. Noelani lui assura qu'elle allait régler ce problème seule, mais la jeune fille ne l'entendait pas de cette oreille. Il s'avança vers elle, elle recula de quelques pas le fixant toujours de son regard glacial. Réfléchissant à toute vitesse à quelle prise elle allait avoir recours elle ne remarqua bien qu'après qu'il venait de se faire gifler par la jeune femme. Il se retrouva ensuite coller au mur violemment.

"Écoute moi bien espèce de fils à papa; je veux bien croire que tes un starlette, mais pour moi t'es pas plus qu'un élève. Un putain, d'élèves bon sang! Donc prend conscience de ton rang et calme toi vite... Un dernier point: tu voit la jeune fille là? Tu la touche, et t'aura affaire à moi. Compris?",

Et elle le jeta dehors. Meggie entendit simplement l'étudiant lui dire qu'elle ne savait ce qu'elle faisait et puis plus rien. Ses yeux retrouvèrent peu à peu une expression tendre et pétillante, alors que tous ses muscles se détendaient. Noelani se précipita vers elle, l'examinant de toute part en lui demandant si elle allait bien. Si elle n'était pas blessée.

- Oh... je vais bien. , dit-elle sans grande conviction. Ouais je vais très bien. Mais toi ? Tu risques d'avoir de gros problèmes ! Ah j'aurais dû y réfléchir avant de m'incruster...

Il fallait espérer qu'il est bien trop de fierté pour dire qu'il venait de se faire écraser par une femme. Sinon Noelani ne sera plus prof très longtemps. Et le simple fait d'envisager cette éventualité suffisait à pétrifier la jeune fille. Si sa confidente n'était plus là elle pourra dire adieu à ces moments-là, si précieux à ses yeux. Elle se renseignerait un peu mieux sur celui-ci.

- Tu vois je pensais pas que quelques AC étaient ainsi. Je dois sûrement idéaliser l'académie.

　

- Tes chevilles n'enflent pas trop Noelani ?

Meggie rigola, ses deux poings fermés sur ses hanches. Cela faisait du bien d'entendre la jeune femme lui assurait qu'elle restait. Elle n'aurait jamais avoué avoir autant besoin d'elle, mais celle-ci était devenue bien trop indispensable pour qu'elle ne la laisse partir. Même si, étant donné qu'elle n'était qu'une élève, elle n'aurait jamais pu faire changer d'avis le directeur de l'académie. Soudain Noelani s'inquiéta de l'heure, son regard paniqué scotché à sa pendule. Elle était en retard pour son cours d'anglais. Mais elle se savait déjà. Haussant les épaules pour se donner un air désinvolte elle reprit la parole, un peu plus sérieuse.

- T'inquiètes je lui manque pas. Personne n'est venu me chercher, donc personne ne se soucie de mon sort. Tant que je participe à la fête de l'école j'ai carte libre. Oh, puis pour ton élève, je sais me défendre, ajouta-t-elle un sourire malicieux étirant ses lèvres.

Elle s'installa confortablement dans le canapé, comme pour dire qu'elle ne bougerait pas quoi que la jeune femme tente de faire. Celle-ci sembla se détendre un tout petit peu, soupirant devant la rébellion de sa protégée. Bon ce n'était pas tout, mais Meggie devait soulager sa colère. Soit en tuant quelqu'un - et elle savait exactement qui - soit en se lâchant sur un piano de l'académie, au risque de s'endormir sur les touches. Ses doigts la démangeaient furieusement et comme réflexe elle pianota sur ses cuisses la berceuse que sa mère lui chantait petite.

　

Un éinième soupir passa la barrière de ses lèvres alors que Meggie se relevait, prête à suivre Noelani dans toute l'académie s'il le fallait. Remontant ses cheveux bleus en un chignon fouillis, elle fit semblant d'attacher une quelconque importance à la décoration bling-bling de l'académie. Cela reflétait parfaitement la silhouette qui les suivait et elle n'eut pas de mal à reconnaitre le gars d'avant, le regard haineux cette fois-ci. Elle soupira, trottinant derrière la jeune femme, son ouïe concentrée sur le bruit de pas derrière elles. C'était bien beau d'être déterminé à en exterminer une, il fallait déjà être discret.

Noelani s'arrêta brusquement devant la salle d'audition et la jeune fille manqua de la heurter de plein fouet.

",Megg' voici la salle de ton exam"

- Ouais je sais, j'ai fait tous mes examens ici. , soupira-t-elle. Mais je vais pas jouer ici pour une fois. Une scène va être aménagée dehors pour la fête de l'académie.

Remarquant que la jeune femme continua sa route en direction du piano à queue, elle la suivit sans broncher. C'est plutôt pas mal, elle pourra se dégourdir les doigts. À la grande surprise de Meggie, sa confidente se mit à jouer un morceau quelque peu difficile. Ah bon ? Elle savait jouer du piano ? Nouveau haussement d'épaule.

À la fin du morceau, Meg commenta, listant les défauts que son oreille avait perçue. Noelani ne sembla pas l'écouter et s'excusa simplement en disant qu'elle avait besoin d'aller aux toilettes. L'étudiante ne la retint pas, elle avait parfaitement compris ce que celle-ci allait faire. Elle s'installa donc au piano, laissant courir ses doigts sur les touches, son corps ondulant au rythme de la musique. Fermant les yeux de contentement, un sourire naissant sur le coin de ses lèvres, perdue dans son monde à elle, elle jouait sans se préoccuper de ses problèmes. Elle se sentait agréablement légère.

Là, assise sur la banquette, rien ne pouvait l'atteindre.
　

Il avança vers elle, elle ne rouvrit toujours pas les yeux.

Il s'appuya sur le piano, entamant une conversation, elle ne l'écoutait pas.

Meggie ne lui accordait aucunement son attention ce qui l'énerva très rapidement. Alors qu'il s'approchait dangereusement d'elle, elle plongea ses deux glaciers dans ceux noirs de haine du jeune homme, lui intimant de se stopper. De ne surtout pas faire un geste. Elle n'avait pas arrêter de jouer pour autant. Il recommença son monologue. Elle ne comprenait pas grand-chose. Il débitait des paroles. Elle comprit simplement qu'il allait se venger sur elle. Il coupa net à son discours de tyran, attendant une réponse de sa part. Une simple réaction. Elle n'en fit rien.

Elle était beaucoup trop fière pour se soumettre. Et comme elle le pensait il ne s'était jamais heurté à un refus. Jusqu'à ce jour.

- Si tu veux te venger je ne te retiens pas. Et ce n'est pas avec les sous de ton père que tu reposeras un pied dans cette académie. Ma parole vaut bien plus que la tienne ne l'oublie pas. D'ailleurs j'oubliais de préciser que quelques amis de SC voudraient te rencontrer pour parler « amicalement » tu vois ?

Meggie n'était pas très rassurée, resserrant sa prise sur les touches du piano. Elle se retenait difficilement de prendre ses jambes à son cou. Elle n'était pas vraiment courageuse, elle le savait. Ce genre de situation elle ne les contrôle pas. Elle essayait de rien laisser paraître et elle espérait réellement que tout ça finirait rapidement.

Tout cela ne serait pas arrivé si Meggie n'avait pas foncé tête baissée à la suite de Noelani. Sérieusement si elle n'était pas née d'un naturel « je fonce et je réfléchis après » elle aurait peut-être moins de problèmes. Alors qu'elle essayait de trouver un moyen de se sortir de ce pétrin elle entendit un petit bruit au-dessus d'elle, qu'elle reconnut immédiatement. C'était le micro qui venait de se mettre en marche et, à son avis, ça ne pouvait être que l'idée de Noelani.

Une idée idiote germa dans sa tête. Et si... et si elle le provoquait - au risque de mettre sa vie en péril - jusqu'à ce qu'il finisse par vouloir l'exterminer ? Peut-être que... cela suffirait à le faire renvoyer. Dieu qu'est-ce qu'elle ne devait pas faire !

Elle recommença à jouer du piano, ignorant totalement le jeune étudiant à ses côtés, qui débitait de nouveau un flot d'insultes, au plus grand bonheur de Meggie qui apercevait enfin le bout du tunnel. Elle en oublia alors que Noelani ne faisait qu'enregistrer et qu'elle devrait trouver un moyen de s'éclipser vite et bien si elle ne voulait pas atterir en urgence à l'hôpital pour « envie suicidaire fortement encouragée par un prof ».

Quelques minutes passèrent et Niko se trouvait toujours appuyer sur le piano. Il finit tout de même par lui attraper violemment le poignet, stoppant la course folle des doigts de Meg sur le piano. Elle sut alors qu'il fallait, là maintenant, qu'elle déguerpisse le plancher. Balançant son pied vers lui sans but précis, elle réussit simplement à lui faire lâcher le poignet, lui permettant ainsi de se relever brusquement et de courir en essayant de ne pas s'étaler de tout son long sur le sol glissant de la salle. Elle arriva enfin à l'accès de délivrance et referma d'un coup la porte après son passage. Collée à la porte, retenant difficilement les coups de bélier du jeune homme, elle entendait impatiemment que quelqu'un se décide de l'aider. Et rapidement ça serait bien.
　

Meggie boudait. Oui ! Elle boudait. Aussi surprenant que cela peut paraître, elle était possesive et elle trouvait cela absolument injuste que ce... ce gars-là soit pardonné aussi facilement. Alors, oui elle savait, il faut tout pardonner, tout le monde fait des erreurs et patati et patata. Mais non, cette fois-ci elle n'était pas d'accord. Pas du tout d'accord ! Sa vie était bien trop précieuse pour qu'elle risque celle-ci pour... ça. Elle s'était armée de tout son courage pour lui tenir tête, pour ne pas fuir devant l'air psychopathe de l'étudiant, alors ce dénouement aurait dû être plus... piquent. Un petit peu d'action ne faisait de mal à personne ; une gifle ou un coup de pied aurait été préférable à une étreinte. Non sérieusement, elle ne l'approuvait pas du tout au risque de se répéter.

Elle les délaissa pour rejoindre son piano qui lui - et elle en était sûre et certaine ! - ne lui ferait jamais ce coup-là, s'installa sur la petite banquette de cuir noir. Soulevant ses mains au-dessus de touches bien précises, elle abattit violemment ses doigts dessus, faisant grimacer les deux jeunes gens d'à côté. Ahah ! J'vais vous péter les tympans bande de gredin ! Vous allez subir mon courroux ! Elle continua encire quelques minutes avant de s'en lasser et de passer à une petite musique de Disney qu'elle aimait particulièrement ; " Hakuna Matata ". C'était vrai, elle n'était pas douce, mais à ce moment-là Meggie n'aurait pu exprimé autre chose que de la colère.

Elle se laissa totalement emportée par sa musique, oubliant presque pourquoi son humeur massacrante aurait pu tuer n'importe quelles mouches qui passaient par là. Elle ne sentit pas que deux personnes l'approchaient, trop concentrée à passer ses nerfs sur le piano. Bizarement une petite larme coula et elle l'essuya rageusement du revers de sa main entre deux notes. Elle passait vraiment par n'importe quelle émotion aujourd'hui !

Noelani s'assit aux côtés de Meggie qui était toujours affreusement jalouse. Elle savait, elle n'avait aucune raison de bouder, mais pourtant elle ne pouvait se résoudre à lui pardonner. Si encore il lui prouvait sa bonne foie, peut-être, et elle appuyait sur le mot peut-être, qu'elle pourrait oublier et passer à autre chose. Mais non là rien. Quelques paroles et voilà, la magie opérait. Qui lui disait qu'il n'allait pas recommencer ?

- Oui, je boude ! , clama-t-elle, une nouvelle larme roulant sur sa joue rosie.

Elle s'en voulait tellement d'être enfantine, mais elle en avait besoin pour l'instant. Elle en avait marre de jouer la fille mature qui ne laisse pas ses émotions transparaîtrent. Elle aurait préféré que personne ne la voie ainsi et elle s'apprêtait à demander à Noelani de la laisser seule pour l'instant. Celle-ci la coupa dans son élan, au plus grand malheur de Meggie. Elle n'était pas prête pour un sermon.

"Meg, ce garçon n'est pas comme nous... nous on à eut un minimum d'amour de la part de nos parents. Lui il n'en à jamais réellement eut, son père n'a jamais usé d'autorité avec lui. Il ne sait pas ce que sont les limites car personne ne lui en a jamais posé. Il n'a jamais eut de réponse à ses questions.

Au fond il est malheureux, les personnes qui l'entourent ne sont pas réellement ses amis, et il le sait. Comment tu aurait réagit toi?

Un rire gras s'éleva dans l'air alors que la jeune fille continuait à jouer. C'était bien trop facile de dire qu'il nétait pas comme elles. Qu'elles avaient reçu un peu d'amour.

- C'est bien trop facile ! On a tous le choix, il a simplement emprunté le mauvais chemin en toute connaissance de causes. Il n'a rien prouvé. Il ne nous a rien prouvé ! Qui te dit qu'il ne va pas recommencer ? ! Ce n'est pas seulement quelques paroles qui vont effacer tout ce qu'il a fait. Il ne s'est même pas excusé. Tu es bien trop naïve Noelani ! , hurla-t-elle son regard fuyant celui de la jeune femme.

Elle allait trop loin, mais elle ne pouvait s'arrêter. La douce mélodie s'était stoppée ; elle s'était brusquement éloignée du piano, pour se retrouver face à face avec Noelani qui était elle, toujours assise. Elle ravala un lamentable sanglot qui resta cependant, coincé dans son gosier.

- Les gens sont cruels et égoïstes. Ils ont beau te dire qu'ils t'aiment, tu ne peux faire confiance à personne. Dès que tu as le dos tourné, ils ne pensent plus à toi, simplement à eux. Ils se séparent, changent de vie et t'oublies.

Sa voix se brisa à la fin de son monologue et elle entreprit de partir, loin, de s'évader au plus profond de la forêt.