Une jeune fille gisait sur un tronc d'arbre, ses paupières mi-ouvertes et les larmes coulant à flot sur ses joues rosies. Ses longs cheveux bleus clairs tombaient en cascade sur sa mince carapace, s'arrêtant au creux de ses reins en de petites bouclettes. Ses mains tremblantes frictionnaient avec difficulté ses bras ; elle avait froid, le vent s'étant levé après que la pluie se soit arrêtée. Trempé jusqu'aux os, elle savait que pendant quelques jours elle se reposerait sur son lit, avec plus de 38° de fièvre vu qu'elle montait très vite sur ce coup-ci. Mais pour l'instant elle n'avait pas envie de rentrer, même si cela aurait pu lui éviter de tomber malade le lendemain, elle n'avait simplement pas envie.

Il y a encore deux heures elle était dans sa salle d'audition, en train d'aider Noelani à coincer l'un de ses élèves pour tenter de le raisonner. Et puis ensuite tout c'était enchaîné très vite ; son caractère enfantin s'était empris d'elle, elle avait craqué et avait sorti toutes ses horreurs qui tournaient inlassablement depuis, dans sa tête. Elle s'était montrée cruelle, égoïste et sans pitié et avait ensuite froissé sa confidente. Franchement rien ne pouvait lui arriver de pire. Et pendant ses deux longues heures, elle avait nourri une haine profonde pour elle-même.

Elle, répondait au doux nom de Meggie, bien qu'elle préfère qu'on l'appelle Meg et, tenez-vous bien, son petit surnom c'était « l'étoile montante du piano ». Cela vous fait un choc n'est-ce pas ? Qui l'aurait cru. Là, elle ressemblait à une poupée brisée qui attendait d'être emportée par cette étreinte glacée qu'on nommait mort.

Elle se releva soudainement, pour retomber mollement contre le tronc d'arbre, ses forces l'ayant quittées. Elle avait entendu, un son, un cri puis un corps qui tombait dans cette rivière déchaînée. Cela ne l'enchanta guère puisqu'elle émit un faible grognement de mécontentement. Qui pouvait bien venir la chercher ? Ce n'était quand même pas Noelani ?

Elle entendit de nouveau un bruit, plus proche d'elle cette fois-ci. Meggie décida d'aller jeter un coup d'oeil, pour voir si elle devait s'enfoncer encore un peu plus loin dans la forêt pour avoir définitivement la paix. Elle se releva donc, moins brusquement que la dernière fois, usant ses bras comme levier et, d'une démarche lente et incertaine, rejoignit l'endroit où son ouïe avait perçu du bruit.

Tout son corps était ébranlé par ses sanglots qu'elle essayait vainement de retenir, elle tanguait, ses pieds s'enfonçaient dans la boue ce qui lui arracha une grimace de dégoût, ses dents s'entrechoquaient, le froid mordant sa peau. Elle continuait tant bien que mal de se réchauffer en se frictionnant de ses paumes de mains meurtries, mais rien n'y faisait. Elle continuait d'avoir froid, la brise glaciale de cette fin d'après-midi s'étant levée. Et ses vêtements trempés n'arrangeaient rien.

Elle atteignit difficilement son but, mais elle put enfin voir qui avait décidé de l'embêter à un moment comme celui-là. Et en reconnaissant la silhouette de Noelani, elle se stoppa net. Elle ne pensait réellement pas à ce que celle-ci vienne la chercher. Bien que personne d'autre ne l'aurait fait. Elle allait rebrousser chemin quand elle remarqua l'état de la jeune femme. Elle pleurait, sa peau parsemée de petites plaies. Soupirant, la jeune fille puisa dans ses dernières forces pour rejoindre la prof d'art.

- Vous devriez rentrer madame. Tout le monde soit s'inquiéter pour vous. , clama-t-elle d'une voix tendre.

Elle étira légèrement ses lèvres et lui tendit sa main pour l'aider à se relever. Elle n'avait rien à faire ici

- Je peux vous aider à grimper si vous avez besoin. En tout cas ne restez pas ici dans votre état, vous pourriez tomber malade.

Noelani se recula vivement de Meggie, son regard coléreux braqué sur celle-ci avant de lever la main sur elle. La jeune fille resta de marbre, un large sourire scotché sur son visage, les larmes continuant à couler sans qu'elle s'en rende compte. Aucun hoquet de surprise ou gémissement de douleur n'avait passé la barrière de ses lèvres. Elle s'y attendait. Elle l'avait largement mérité. L'impact de la gifle lui avait confirmé ce qu'elle pensait. Elle n'était rien qu'un monstre. Noelani l'attira soudainement contre elle et elle se laissa faire.

"POURQUOI? C'EST QUOI CE CAPRICE DE GAMINE POURRIE GÂTÉE?! T'AVEZ VRAIMENT BESOINS DE ÇA?!!",

La jeune femme resserra son étreinte, mais Meggie n'y répondait toujours pas, lassée par les derniers évènements. Oui elle en avait eu besoin. Beaucoup trop de choses s'étaient passées aujourd'hui et Noelani ne pourrait jamais comprendre. Elle n'était pas encore assez mature pour éviter que son passé ne fasse tâche sur son présent. Elle avait craqué tout simplement. Elle était blessée par ce qu'on venait de lui dire. Ce n'était pas aussi simple que cela !

De longues minutes passèrent, minutes qui se transformèrent en une heure. La pluie avait recommencé de plus belle et Noelani venait enfin de relâcher la jeune fille toujours aussi stoïque. La jeune femme voulait repartir de suite, mais Meg la retint. C'était beaucoup trop risqué et elle ne voulait pas revoir l'académie.

- Il recommence à pleuvoir. La roche est bien trop glissante pour l'instant. Et... Non rien.

"Non! On rentre. Je sais pas si t'a remarqué ma je saigne, donc tes caprices tu les gardes pour le temps du bac à sable

Alors que la gifle ne lui avait quasiment rien fait, ces paroles-ci furent plus dures à encaisser. Lui dire que ce n'était que des caprices d'un enfant de maternel, ce n'était pas la meilleure chose à faire étant donné que ce n'était que de l'inquiétude envers la jeune femme. Cependant, celle-ci ne semblait pas enclin à l'écouter ; Meggie suivit donc docilement.

Plusieurs fois dans leur longue marche l'adulte manqua de s'étaler de tout son long et ce fut à chaque fois la jeune fille qui la retint au dernier moment. Elle se retenait de s'écrier qu'elle avait raison, que tout cela était dangereux et que si la jeune femme n'avait pas été obnubilé par le fait de rentrer directement à l'académie, elles n'en seraient peut-être pas là. D'une car l'envie de crier haut et fort ce qu'elle pensait, lui était très vite passé depuis l'incident de cette après-midi et de deux, parce qu'elle était à bout de forces. Rien que mettre un pied devant l'autre, en évitant tous objets glissants, était une réelle épreuve pour elle, alors si elle devait tenir tête à Noelani pour que celle-ci avoue avoir eu tord... elle ne s'en serait pas sortie.

Avant d'incendier d'insultes un dernier bosquet de buissons, la jeune femme se retourna pour faire face à Meggie.

"Écout je t'aime beaucoup, mais là tu doit grandir dans ta tête. Les problèmes : c'est pas la fin du monde! Tu les règles comme une grande personne. Et si tu fait ce que je te dit normalement tout roule."

Et elle repartit en direction de l'académie qui s'élevait imposante, en face d'elles. Serrant ses poings jusqu'à s'enfoncer ses ongles longs dans sa peau, Meg ne put empêcher ses larmes de colère, cette fois-ci, de couler. Alors Noelani ne comprenait réellement pas. Ou peut-être qu'elle ne voulait simplement pas comprendre. Elle suivit tout de même la jeune femme, même lorsque celle-ci poussa les portes du hall d'entrée où quelques personnes attendaient. Une fois que sa petite tête de bleue passa le seuil d'entrée, une folle dingue qui répondait au nom de Camille se jeta dans ses bras, morte d'inquiétude. La jeune fille ne lui tapota qu'un peu le dos, en essayant de la rassurer du mieux qu'elle le pouvait qu'elle allait bien.

Se détachant enfin de sa meilleure amie, elle put tranquillement rejoindre le bureau de Noelani qui referma la porte après son passage. Celle-ci désinfecta toutes ses plaies, non sans grogner de douleur, changea de vêtements pour se retrouver en pyjama et enfin, lança une serviette sèche à Meggie. Par apport à ce matin, l'atmosphère de la pièce lui semblait lourde ; ce sentiment de sécurité ne l'envahissait pas comme à chaque fois qu'elle passait anciennement par cette porte. Alors que la jeune femme se relaxa sur son sofa, la demoiselle prit place dans un coin sombre du bureau, s'y recroquevillant pour prendre le moins de place possible. Elle n'avait pas pris la peine de se sécher, bien qu'elle continuait de grelotter. Elle ne dit rien, attendant que Noelani fasse le premier pas.

Meggie avait tellement de choses à dire, mais elle n'y arrivait pas. Elle aurait bien voulu vider son sac sans se préoccuper de ce que Noelani allait en penser. Elle était un peu comme une bombe à retardements. Toutes ses émotions bouillaient en elle et attendaient le moment propice à exploser. Elle se releva, fuyant ainsi le regard de la jeune femme et ouvrit le petit balconnet. Elle s'appuya sans ménagement sur la rambarde, regardant la nuit qui était déjà tombée sans qu'elle s'en rende compte ; elle ne faisait plus attention à ce qui l'entourait. Les étoiles étaient déjà visibles, entourées de leurs halos lumineux elles éclairaient faiblement le ciel. Elle tendit instinctivement la main vers celle qui brillait le plus.

Elle se positionna sur la rambarde, les pieds enroulés autour des barreaux, face à Noelani qui attendait impatiemment qu'elle dise quelque chose. Soupirant légèrement, Meg plongea son regard bleuté dans celui de la jeune femme.

- Je ne vais pas crier, ni pleurer dans tes bras et je n'oserais pas te frapper.

Elle fit une petite pause, réfléchissant à ce qu'elle pourrait bien dire ensuite.

- Je veux simplement que t'essayes de me comprendre deux minutes. Si je t'ai parlé du divorce de mes parents et de ma mère qui se remarie de suite ce n'est pas pour rien. J'avais beau te paraître mature à ce sujet, je ne l'ai jamais été. Quand je rentrerai pour les vacances, le foyer où j'ai grandi n'existeras plus. Plus rien ne sera comme avant. Je voulais te demander si à 17 ans il ne t'était jamais arrivée de craquer. De perdre de vue ton chemin. De te sentir délaissée, incapable de faire quoique ce soit à cause de la distance qui te sépare de ta famille. D'oublier juste un instant, qui tu es et qui tu veux être. Alors, oui désolé d'être possessive, mais à ce moment-là je pensais qu'on allait simplement m'enlever ce qui me restait. Mes parents l'ont fait derrière mon dos comme si j'allais les empêcher de divorcer. Est-ce que je l'aurais fait ? Sûrement. Mais j'aurais peut-être mieux avalé la pilule.

Elle sourit tristement, perchée sur la rambarde, la tête levée vers les étoiles. Si Noelani n'avait jamais resentie ce genre de sentiments, la discussion n'avait pas de raison d'avoir lieu. Elle ne pouvait pas lui donner de conseils si elle ne savait pas de quoi elle parlait.

- Je pense bien plus aux autres que tu ne peux le penser. Ce n'est pas parce que je suis partie deux heures sans vous donner de nouvelles que vous aviez besoin de vous inquiéter. J'ai promis à Camille que je rentrerais toujours avant la nuit. J'avais besoin de réfléchir seule, sans que quelqu'un vienne pour me sermonner sur mes actes égoïstes. Tu sais avant de venir dans l'académie j'ai toujours pensé à ma famille, je n'ai jamais arrêté de m'occuper de mes frères et soeurs. Je m'en plains pas, j'adorais cuisiner pour eux, lire des histoires ou même les réconforter quand quelque chose n'allait pas. Puis je voulais devenir comme ma mère alors j'essayais toujours de tout faire moi-même pour qu'elle puisse se reposer après son travail. Du coup j'étudiais très sérieusement et tout ce que j'entreprenais je le faisais jusqu'au bout.

Elle rigola quelques instants avant de reprendre plus sérieusement.

- À un moment j'ai voulu devenir libre comme l'air et j'ai réussi à entrer dans l'académie. Je voulais que toute ma famille soit fière de moi et surtout je pouvais enfin voir quelque

Après avoir enfoncé un peu plus la jeune fille, Noelani rentra dans bureau pour s'étaler sans grâce sur son canapé. Elle ne semblait pas en forme et cela enchantait tout particulièrement Meggie qui regardait tristement les étoiles. Elle ne serait sûrement jamais capable de tenir sa promesse de ne plus s'échapper de l'académie. Elle avait besoin de liberté, mais cela personne ne semblait comprendre.

- Je dois faire quoi maintenant Kate ? ; souffla-t-elle.

Remarquant que la jeune femme dormait déjà à point fermé, elle laissa la serviette qui ne lui avait d'ailleurs pas servie sur la table et partie vers l'internat. Arrivée, elle se dirigea vers les douches communes et, laissant choir ses vêtements sur un banc, elle ouvrit le robinet poussant l'eau chaude jusqu'au maximum. L'eau vint doucement couler sur son corps fatigué, détendant chacun de ses muscles. C'était ô combien agréable après la journée qu'elle venait de vivre.

Elle resta sous la douche peut-être une bonne heure avant que la fatigue ne l'emporte et qu'elle aille se coucher aux côtés de Camille qui ne cessa de la consoler.

HRP : RP Terminé